Glossaire médical

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    Hyperéosinophilie

    Pathologie

    Qu'est ce qu'un éosinophile ?

    Les éosinophiles sont des globules blancs qui se développent dans la moëlle des os, et qui sont habituellement présents en très faible pourcentage dans le sang. Leur nom vient du fait qu'ils « aiment » (-phile) l'éosine (un colorant acide, de couleur rouge, qui se fixe aux éosinophiles, et est donc utilisé au laboratoire de cytologie et d'anatomopathologie pour distinguer l'éosinophile des autres sortes de globules blancs).

    Leurs fonctions chez les personnes en bonne santé restent mal connues. On en retrouve en faibles quantités dans l'intestin, l'utérus, les seins et le thymus. Ils jouent vraisemblablement un rôle dans la défense contre certains parasites, ce qui explique qu'en cas d'infection par des « vers » le nombre d'éosinophiles peut augmenter.
    Une autre situation clinique, fréquente dans les pays développés, où le nombre d'éosinophiles peut être au-dessus des valeurs normales est l'atopie, autrement dit l'allergie. L'atopie est une prédisposition à réagir à des substances se trouvant dans notre environnement (comme les pollens de certains arbres, les acariens, les moisissures, certains aliments) et s'exprime cliniquement par un rhume des foins, de l'eczéma, de l'asthme. Chez le patient atopique, les éosinophiles sanguins ne s'élèvent pas beaucoup par rapport à la norme (l'augmentation n'est pas « significative ») et ces cellules se cantonnent généralement au tissu concerné (la muqueuse du nez, la peau, les voies respiratoires) où elles partagent la responsabilité des dégâts et donc des symptômes avec d'autres types de globules blancs.

    Qu'il s'agisse d'une infection parasitaire ou d'une allergie, l'augmentation des éosinophiles est commanditée par un autre type de globule blanc, appelé lymphocyte T. En effet, les lymphocytes T produisent le principal facteur de croissance pour les éosinophiles, appelé interleukine-5 (IL-5). Ce mécanisme est responsable de la grande majorité des cas où une augmentation des éosinophiles est notée.
    Beaucoup plus rarement, l'augmentation du nombre d'éosinophiles est due à une mutation génétique acquise par les éosinophiles immatures dans la moëlle, qui les rend indépendants des facteurs de croissance. Les éosinophiles se multiplient alors de façon « autonome » et incontrôlée (comme dans les leucémies, voir plus loin).

    De quoi s'agit-il ?

    Que signifie hyperéosinophilie et qu'est ce qu'un syndrome hyperéosinophilique ?

    On parle d'hyperéosinophilie lorsqu'il existe une augmentation significative du taux d'éosinophiles dans le sang et/ou dans les tissus.
    Dans la prise de sang, la valeur seuil pour parler d'hyperéosinophilie est de 1500/mm3, ou 1500/microlitre, ou 1.5 Gigas/L. Dans les tissus, la valeur seuil n'a pas été définie avec précision. Elle est atteinte lorsque l'anatomopathologiste qui examine la biopsie du tissu estime qu'elle est « excessive » par rapport aux sujets normaux. Les tissus/organes le plus souvent concernés sont la peau, les poumons et l'intestin. Les éosinophiles peuvent aussi infiltrer les parois du coeur et des vaisseaux sanguins, le cerveau, le foie, la rate, les nerfs, les muscles. D'un patient hyperéosinophilique à l'autre, on retrouvera des éosinophiles dans des sites différents. On ne sait pas encore pourquoi les éosinophiles s'attaquent à certains tissus et pas d'autres chez un patient donné. On ne sait pas non plus prédire quels tissus risquent d'être envahis chez un patient.

    Lorsque les éosinophiles sont augmentés en nombre dans les tissus et organes, ils peuvent y libérer leur contenu s'ils sont activés (on dit qu'ils « dégranulent », car les substances qu'ils produisent sont concentrées dans des granules situés à l'intérieur de la cellule).
    Les granules comportent de nombreuses substances différentes, dont certaines sont toxiques pour leur environnement. Les conséquences suivantes peuvent être observées : altérations structurelles voire destruction de cellules (on parle de « cytotoxicité » ; par exemple, désorganisation des cellules ciliées au niveau des voies aériennes dans les poumons), constriction des bronches (comme lors d'une crise d'asthme), dilatation des vaisseaux sanguins avec fuite de liquide plasmatique (responsable de gonflement des tissus, appelé oedème), augmentation de la coagulation du sang (favorisant donc la formation de caillots), dépôt exagéré de collagène (on parle de fibrose, par exemple dans la paroi du coeur).

    On parle de syndrome hyperéosinophilique lorsqu'une hyperéosinophilie est associée à des manifestations cliniques, et que les éosinophiles sont directement impliqués dans les dégâts tissulaires à l'origine de ces manifestations. Ce terme s'applique à toute hyperéosinophilie, quelle qu'en soit la cause (voir plus loin), et même si aucune cause n'est retrouvée (auquel cas on parlera de syndrome hyperéosinophilique idiopathique (idiopathique voulant dire d'origine inconnue). Ce dernier concept est important car il reconnaît un rôle direct et principal des éosinophiles dans la maladie, et fait donc de l'éosinophile la cible principale du traitement.

    Le syndrome hyperéosinophilique (SHE) est un ensemble d'affections qui ont comme point commun une élévation significative et persistante du taux d'éosinophiles dans le sang et/ou dans les tissus, où ils occasionnent des dégâts

    Il arrive parfois qu'une hyperéosinophilie sanguine ne s'accompagne d'aucune complication, car les éosinophiles ne sont pas activés et ne pénètrent pas dans les tissus. On parle d'hyperéosinophilie de signification indéterminée. On ne connaît pas les facteurs expliquant pourquoi les éosinophiles sont inactifs chez certains patients. Il n'existe à ce jour aucun marqueur témoignant d'une plus ou moins grande agressivité, ou niveau d'activation, des éosinophiles.

    Origine / Causes

    Que faire devant une élévation du taux sanguin d'éosinophiles ?

    Lorsqu'un patient présente une hyperéosinophilie, la première démarche du médecin consiste à identifier une éventuelle cause sous-jacente. Les causes les plus fréquentes à rechercher sont une allergie médicamenteuse, une infection parasitaire, et une maladie cancéreuse (car les cellules cancéreuses peuvent parfois produire de l'interleukine-5).

    • Infections parasitaires

    Il s'agit principalement de parasites appartenant à la famille des « helminthes », plus communément appelés « vers ». Beaucoup de parasitoses s'accompagnant d'hyperéosinophilie sont contractées dans des pays tropicaux, mais pas toutes. Il ne faut donc pas nécessairement avoir voyagé pour que ce diagnostic soit envisagé. La toxocarose par exemple est prévalente en Europe du nord, et s'attrape en ingérant des oeufs du parasite se trouvant dans la terre contaminée par les déjections de chiens ou chats infectés.

    • Allergie médicamenteuse

    Il s'agit d'une réponse anormale à un médicament, et bien que de nombreux agents peuvent être à l'origine d'une réaction allergique, certains groupes de médicaments sont plus souvent en cause : anti-épileptiques, traitement pour la goutte, antibiotiques. L'allergie médicamenteuse peut s'exprimer de plusieurs manières: des démangeaisons avec une éruption, des problèmes respiratoires, des troubles digestifs. Rarement, l'allergie médicamenteuse peut être grave, voire fatale, si elle n'est pas diagnostiquée car des organes vitaux comme le coeur et le foie peuvent être concernés.

    • Cancers

    Certains cancers solides peuvent, rarement, être à l'origine d'une multiplication des éosinophiles, car les cellules cancéreuses déréglées se mettent à produire des facteurs de croissance pour ces cellules, telle que l'interleukine-5. L'hyperéosinophilie qui en résulte peut être très impressionnante, et est parfois (avec ses complications) la première manifestation de ces cancers. Il peut s'agir d'un cancer des poumons, de l'intestin, ou du col de l'utérus par exemple.
    Une hyperéosinophilie peut aussi accompagner certains « cancers du sang » ou « hémopathies ». Parmi ceux-ci, on distingue les lymphomes et les leucémies. Dans les lymphomes, les globules blancs malades s'accumulent dans certains sites (souvent les ganglions, la rate, la moëlle osseuse) mais ne sont généralement pas retrouvés dans le sang, tandis que dans les leucémies ils circulent et sont détectables dans une prise de sang. Le lymphome dit « de Hodgkin » est le plus fréquent, et on peut observer une augmentation du nombre d'éosinophiles sanguins (souvent en dessous du seuil de l'hyperéosinophilie). Parmi les leucémies plus fréquentes pouvant s'accompagner d'une hyperéosinophilie, on retient la leucémie myéloïde chronique et la leucémie myélomonocytaire chronique. Toutes deux sont détectées facilement par une simple prise de sang.

    En parallèle avec la recherche de la cause de l'hyperéosinophilie, si celle-ci est persistante, il faut déterminer si elle est « toxique »: est-elle responsable de dégâts dans un ou plusieurs organes, occasionnant donc des troubles fonctionnels de ces organes ? Les principaux tissus et organes que les éosinophiles peuvent abîmer sont la peau, les poumons, l'intestin, le coeur et les vaisseaux sanguins, le foie, et le cerveau.

    Le bilan médical comprendra donc typiquement un examen clinique attentif et complet, une prise de sang, une analyse de selles (pour rechercher des oeufs de parasites), et une radiographie de thorax. Certains médicaments prescrits pour d'autres problèmes de santé (par exemple pour l'épilepsie, la goutte, l'arthrite rhumatoïde, etc) et qui pourraient être à l'origine d'une allergie médicamenteuse, seront interrompus dans la mesure du possible. En fonction des éléments recueillis lors de l'examen clinique (interrogatoire et examen physique) et dans la prise de sang, le médecin demandera éventuellement un bilan du coeur (électrocardiogramme et échographie cardiaque), un scanner du thorax et/ou de l'abdomen, un PET-scan, une imagerie du cerveau (scanner ou résonance magnétique), une endoscopie digestive (gastroscopie et/ou colonoscopie), une biopsie de peau.

    Dans les rares circonstances où la toxicité des éosinophiles représente une menace pour la survie (en cas de toxicité cardio-vasculaire grave par exemple), le médecin hospitalisera le patient pour entamer un traitement en urgence, tout en menant les investigations citées ci-dessus. Ce traitement consistera le plus souvent en cortisone à doses élevées.
    Sinon, la plupart du temps, le bilan est réalisé en ambulatoire avant d'initier un éventuel traitement.

    Si les causes classiques d'hyperéosinophilie ne sont pas retrouvées, il faut poursuivre les examens

    Il arrive parfois qu'aucune cause classique ne soit retrouvée au terme de ce premier bilan. On parle alors d'hyperéosinophilie inexpliquée, et une nouvelle série d'examens plus approfondis doit être réalisée pour rechercher des causes plus rares. A ce stade, il est préférable de consulter un médecin spécialisé, dans un centre de référence tel qu'un hôpital universitaire où les dossiers complexes sont concentrés. En effet, un médecin diagnostique plus aisément les
    maladies rares s'il/elle les a déjà rencontrées dans sa pratique.

    Parmi les maladies rares associées à une hyperéosinophilie, on retrouve une série de maladies inflammatoires chroniques, incluant certaines vasculites(syndrome de Churg Strauss, actuellement appelé granulomatose à éosinophiles avec polyangéite), maladies de la peau (pemphigoïde bulleuse), immuno-déficiences congénitales (syndrome d'Omenn, syndrome de Job), pour en citer quelques unes.
    C'est souvent à ce stade qu'une ponction de moëlle ou une biopsie osseuse sera réalisée, car des maladies hématologiques rares doivent aussi être recherchées, telles que la mastocytose, le lymphome T, et la leucémie chronique à éosinophiles (même si celle ci peut être diagnostiquée avec une simple prise de sang dans sa forme la plus courante). Des mutations génétiques responsables de ces « cancers du sang » seront recherchées dans la prise de sang et sur l'échantillon de moëlle.