Maladie de Sjögren

syndrome sec

Qu'est ce que la maladie de Sjögren?

La maladie de Sjögren (aussi appelée syndrome de Sjögren) est une maladie auto-immune chronique caractérisée par l’infiltration des glandes salivaires et lacrymales par des cellules du système immunitaire (les lymphocytes).

Cette atteinte des glandes exocrines explique l’apparition du syndrome sec caractérisé par des yeux secs et une bouche sèche.

La maladie de Sjögren est caractérisée par la dysfonction des glandes exocrines (on parle « d’exocrinopathie »), responsable de la sécheresse des yeux et de la bouche, mais aussi du nez, de la gorge, des bronches, de la peau et de la muqueuse vaginale. Cette sécheresse généralisée est très invalidante, impacte négativement la qualité de vie et peut être source de complications locales : kératoconjonctivite sèche, mycose orale, infection des glandes salivaires, etc.

Par ailleurs, la maladie de Sjögren n’en reste pas moins une maladie autoimmune systémique pouvant affecter virtuellement tous les organes. Ces atteintes dites extraglandulaires peuvent résulter de trois mécanismes différents : 1/ l’apparition d’une infiltration lymphocytaire dans d’autres tissus que les glandes exocrines (cirrhose biliaire primitive, atteinte tubulaire rénale, atteinte bronchique), 2/ des atteintes auto-immunes liées à la présence de complexes immuns ou d’auto-anticorps spécifiques et 3/ une prolifération non régulée des lymphocytes B chroniquement stimulés (pneumopathie interstitielle lymphocytaire, lymphome).

Epidémiologie

La maladie de Sjögren est, après la polyarthrite rhumatoïde, la plus fréquente des connectivites avec une prévalence de 0.1-0.6% dans la population générale. C’est une maladie touchant préférentiellement les femmes (9 femmes pour 1 homme), généralement vers 40-50 ans. Son apparition aux alentours de la ménopause chez la femme et ses manifestations peu spécifiques (sécheresse, douleurs, fatigue) expliquent pourquoi cette maladie est souvent diagnostiquée avec retard.

Manifestations cliniques

La triade sécheresse - fatigue - douleurs (Sicca Asthenia Polyalgia)

La triade sécheresse – fatigue – douleurs, appelée par certains le syndrome SAP (Sicca-Asthenia-Polyalgia) constitue les plaintes centrales exprimées par les patients atteints de la maladie de Sjögren. La maladie apparaissant dans les glandes exocrines, il n’est pas étonnant que près de 96% des patients présence une sécheresse oculaire et buccale, souvent très invalidante. Cette sécheresse peut être plus générale et toucher les voies respiratoires (toux) et la muqueuse vaginale (sécheresse intime chez la femme). La fatigue est un symptôme rapporté par plus de 50% des patients Sjögren. Enfin, près d’un patient sur 2 présente des douleurs articulaires et musculaires chroniques sans cause anatomique claire, se rapprochant du syndrome fibromyalgique. Ces manifestations « SAP » peuvent être très invalidantes, empêcher le patient de travailler et réduire considérablement la qualité de vie des patients atteints par le syndrome de Sjögren.

Les manifestations extraglandulaires d’origine autoimmune

Souvent réduite à sa triade symptomatique ci-dessus, la maladie de Sjögren n’en reste pas moins une maladie rhumatologique systémique d’origine autoimmune pouvant toucher n’importe quel organe du corps, parfois de manière grave. Elle se rapproche sur cette dimension de son cousin: le lupus érythémateux disséminé (LED). La maladie de Sjögren peut ainsi se manifester par un phénomène de Raynaud, des manifestations constitutionnelles (fièvre d’origine inexpliquée, perte de poids), des manifestations glandulaires (gonflements importantes des glandes salivaires parotides et sous-maxillaires), des manifestations ganglionnaires (gonflements de ganglions appelés adénopathies), des manifestations articulaires (douleurs inflammatoires avec dérouillage matinal de plus de 30 minutes, polyarthrites), des manifestations musculaires (myosite inflammatoire), des atteintes neurologiques (polyneuropathies, vasculites cérébrales, tableau mimant une sclérose en plaque SEP), des atteintes pulmonaires bronchiques ou du tissu pulmonaire, des atteintes rénales (protéinurie, insuffisance rénale, lésions glomérulaires, lésions tubulointerstitielles compliquées d’acidose tubulaire ou d’ostéomalacie), des manifestations hématologiques autoimmunes (anémie, thrombopénie, leucopénie) et biologiques (cryoglobulinémie, consommation du complément, hypergammaglobulinémie).

Le lymphome non-Hodgkinien

L’activation intense du système immunitaire peut mener à une multiplication importante des lymphocytes B. Si ceux-ci perdent leurs mécanismes de régulation, une sous-population B va continuer à proliférer sans aucune limite: c’est le cancer du système immunitaire, appelé lymphome non-Hodgkinien. Il complique 5 à 10% des maladies de Sjögren. Généralement lent et peu bruyant, il faut le rechercher face à un gonflement unilatéral chronique d’une glande salivaire, des adénopathies ou une fièvre inexpliquée par exemple. Le rhumatologue peut dépister les personnes à risque de développer un lymphome secondaire à la maladie de Sjögren en traquant les anomalies cliniques et biologiques traduisant l’apparition d’une prolifération B excessive et les suivre de manière plus rapprochée.

Prise en charge

De part ses manifestations non spécifiques fréquentes - fatigue, douleurs et sécheresse - et ses manifestations systémiques pouvant être polymorphes (atteintes neurologiques, rénales, pulmonaires, dermatologiques,…), le diagnostic de maladie de Sjögren peut être compliqué. De plus, il n’existe pas actuellement de test unique permettant de poser le diagnostic.

Le diagnostic est basé sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques :

  • Sécheresse subjective oculaire ou buccale ;
  • Objectivation d’une altération du fonctionnement des glandes salivaires et lacrymales

- Mise en évidence d’une atteinte de la surface oculaire par l’ophtalmologue ;

- Mise en évidence d’une diminution du flux lacrymal par le test de Schirmer ;

- Mise en évidence d’une diminution du flux salivaire par sialométrie ;

- Mise en évidence d’une dysfonction des glandes salivaires par scintigraphie ;

- Mise en évidences d’anomalies IRM ou échographique dans les glandes salivaires.

  • Infiltration lymphocytaire sur une biopsie de glandes salivaires accessoires ;
  • Mise en évidence d’auto-anticorps anti-Ro/SSA et/ou anti-La/SSB dans le sang.

Traitement

Actuellement, il n’y a pas de traitement curatif pour la maladie de Sjögren.

La prise en charge est basée sur 3 dimensions :

Le syndrome sec, la fatigue et les douleurs chroniques (évalués par le score ESSPRI) sont pris en charge de manière symptomatique et pluridisciplinaire en collaboration avec le service d’Ophtalmologie, le service de Kinésithérapie et la Clinique de la Douleur. La mise au point initiale vise à exclure la participation de certaines manifestations systémiques à la fatigue et à la douleur (hypothyroïdie, anémie, ostéomalacie, lymphome) ainsi que de dépister les facteurs de limitations persistances (troubles du sommeil, dépression, kinésiophobie,…) avant de proposer un traitement multimodal. Ces interventions vont de la prescription de larmes ou de salive artificielles jusqu’à l’insertion de clous méataux ou à l’usage de gouttes oculaires à base de sérum autologue. La pilocarpine est également une préparation magistrale couramment prescrite permettant d’augmenter les sécrétions de salive et de larmes. La maladie de Sjögren est reconnue « pathologie lourde », ce qui ouvre le droit à 60 séances de kinésithérapie par an. Suite au diagnostic posé par votre rhumatologue, votre mutuelle peut également vous octroyer une aide financière mensuelle pour l’achat des gouttes oculaires et autres traitements de la sécheresse.

Les manifestations extraglandulaires d’origine autoimmune (évaluées avec l’aide du score ESSDAI) peuvent être de siège et de gravité très variables. En fonction des organes atteints et de la gravité de cette atteinte inflammatoire, un traitement immunosuppresseur / immunomodulateur peut vous être prescrit par le rhumatologue: corticoides (Médrol), hydroxychloroquine (Plaquenil), méthotrexate, azathioprine, mycophenolate mofétil, rituximab ou cyclophosphamide. Au sein de notre Institution, la prise en charge multidisciplinaire des maladies systémiques complexes - dont la maladie de Sjögren fait partie – est une des missions de la plate-forme MISIM (Maladies Inflammatoires Systémiques Immuno-Médiées) comprenant des rhumatologues, internistes généraux, néphrologues, pneumologues, dermatologues,… ayant un tropisme et une expertise pour les maladies autoimmunes.

La maladie de Sjögren – de part l’activation intense des lymphocytes B - peut se compliquer chez certains patients d’un lymphome non-Hodgkinien (prolifération cancéreuse des lymphocytes). Ce risque explique la mise en place d’un suivi clinique et biologique au minimum annuel chez les patients souffrant d’une maladie de Sjögren. En cas d’apparition d’un lymphome chez un patient suivi pour une maladie de Sjögren, celui-ci sera pris en charge en collaboration avec le service d’Hématologie de notre hôpital.